Mrs D.
1
Dans la mère, on va dire : ci-gît la femme. En tout cas, c’est comme ça que je vois le truc.
Chaque nourrisson est un petit tombeau ; « c’est ta féminité qui te sort entre les cuisses, et qu’on balance avec le placenta ; c’est le premier des deuils, au moment supposé de ta plénitude ».
Ci-gît mon espoir déçu.
Je soupèse la plénitude qui me bouffe le bout du sein, et je compte les points : tant pour la peur, tant pour l’aigreur. La plénitude me plombe
vite
et bien
et pour longtemps.
Ci-gît mon plaisir sexuel.
Ci-gît ma liberté.
Elle et lui sont dans un bateau ; elle perd les eaux – qu’est-ce qui reste ?
Ma putain de plénitude.
Ma liberté en carton et mon amour de pacotille ont le plaisir de vous annoncer la naissance d’un doute
profond
maladif
destructeur.
Mon amour de mère et ma frustration de femme ont le plaisir de vous annoncer la naissance d’une peur indélébile.
2
Mon doute a le regret de vous annoncer qu’il se tire
vite
et bien
et pour longtemps.
Ci-gît… on va dire : votre conformisme. Et on va dire que la mère vous emmerde
vite
et…
enfin, vous voyez,
à proportion de l’inquiétude que l’on m’a demandé d’entretenir. Il y a une forme de jeunesse qui s’apparente à la fausse monnaie. La féminité n’est pas négociable. Elle est ce que je décide d’en faire ; elle meurt sur commande et ressuscite au gré de mes envies. Je la réinvente sur le mode et la cadence de mon choix, au hasard des rencontres.
J’ai le plaisir de vous annoncer le décès de la mère sans désir, et la joie de vous informer que je liquide la femme fatale avec elle.
Ci-gît la distinction oiseuse qui divise la féminité pour mieux la soumettre.