What goes around...

Publié le par Lessaim

 

 

Résumé du chapitre précédent

H., une actrice, engage J., un détective privé : elle prétend que quelqu'un se fait passer pour elle. De fait, J. rencontre coup sur coup deux H.

 

II

 

Une cave. Celle-là est vide. Elle sent la pisse et les voluptés grecques ; les derniers coups de cravache résonnent dans les premières lueurs de l’aube.
C’est ici que la jet set porte du cuir, et moleste à tout va.
L’un de mes indics y ramassait ses couilles ce matin, éparpillées jusqu’aux lustres par une H. particulièrement retorse.
Enfin… l’une des H. Mais laquelle ? L’emmerdeuse ou l’éplorée ?
Pas besoin de fouiner longtemps : je me penche et, sous un banc, j’aperçois un mégot. Fin, odorant – avec encore la trace de son rouge à lèvres.
Le maître des lieux, un petit coquet pommadé, la houppette violine et le nez purpurin, arrive en geignant :
- Qu’est-ce que vous faites ?
- J’embarque ces trucs.
Je parle des mégots. Et lui :
- Pourquoi faire ?
- Faut pas gâcher.
Je me dirige vers la sortie ; l’affreux roquet m’agrippe au col :
- Ce sont MES mégots !
- Vous voyez cette trace de rouge à lèvres, ici ?
- Je vois.
- Ce doux parfum de femme, qu’exhale encore ce tabac rustre ?
- Je sens.
- C’est l’odeur et la bouche d’H.
- H. ?
- L’actrice.
- Tout ce qui est dans la cave appartient à la cave.
Comme l’homoncule se gonfle d’indignation, je le claque d’autorité. J’ai horreur de la violence, mais comme il est plus petit que moi…
« Ces mégots ne sont pas ceux d’H. ! » crie alors le petit mandarin, en croisant les mains sur son front, pour éviter les coups.
- Ce sont les miens, peut-être ?
- Ce sont ceux de M.!
- M. ?
- Un sosie d’H. !
- Va falloir qu’on cause elle et moi…
- Revenez ce soir, et faut consommer pour parler !
Je prends congé sans me retourner, ce mec est du genre à me saloper le regard rien qu’en restant devant moi. Or j’ai trop d’H. au fond des yeux pour tolérer cette pollution.


Ce soir y'a foule, après avoir passé l’épreuve du molosse qui grogne, sans trop de bave sur ma veste, je m’installe à une table à l’abri des alcôves enfiévrées. La petite serveuse brune n’a pas loupé mon entrée, et fait la sienne en se penchant bien fort au dessus de ma table, la main gantée sur mon épaule, l’autre sur sa hanche rivée de clous, ça promet.
- Qu’est-ce que je vous sers ?
- M.
Elle se redresse l’œil interrogateur, j’ai ses obus en pleine ligne de mire.
- Va falloir patienter mon mignon, elle se pomponne. T’es sûr que tu veux pas un verre en attendant ?
- Un whisky alors.
A peine ai-je plongé le nez dans mon godet servi au fouet, qu’une voix approchante m’ébranle :
- Il paraît que tu me cherches ?
- H !
- Non, M., mais je le prends comme un compliment.
Pourtant je savais que c’était M. que je venais voir. Renversant, l’intonation, la moue de petite fille et l’œil mutin.  Si seulement c’était amusant, c’est rien de moins que l’enfer sous mon crâne comme dans cette boîte miteuse qui gémit de tous les côtés.
J’invite la doublure à s’asseoir.
- T’as des choses à me dire sur H. ?
- Tu n’es pas venu pour faire joujou ? Dommage.
Lascive, elle s’installe face à moi, commande une Tequila Sunrise, et commence à me dire :
- Alors tu veux causer d’H.? Manière de me faire perdre mon temps? J’ai rien à dire sur cette garce.
- Intéressant, continue.
- Elle a bien mené sa barque, elle embobine tout le monde !
- Tu vas dire que tu vaux mieux qu’elle ?
Elle me regarde, manière de dire : « si t’as l’âme en face des trous, tu verras que je l’écrase de dix coudées… »
J’en prends bonne note. Et j’ajoute :
- Et depuis quand tu lui colles des doubles sur le dos ?
- Alors à toi aussi elle te fiche la migraine ?
- Pas encore…
- Je lui ai donné une petite leçon écrite une fois, mais rien de méchant. Je suis bien trop occupée à foutre la raclée aux vieux lubriques. Quel intérêt aurais-je à me foutre plus dedans que je ne le suis ?
- Question de principes…
- De toute façon c’est une barge, personne ne se fait passer pour elle !
Et là, je me dis : mouais… M. fait son cinoche à défaut de crever l’écran. je la toise:
- Et qui me dit que c’est pas toi qui joue la comédie ? Après tout, t’as l’alibi et tous les accessoires…
- Crois-moi ou pas, tout ce que je sais, c’est qu’elle est très très lunatique. Elle finira par se trahir. La roue finit toujours par tourner.
- Pas faux, et tout finit toujours par se savoir, tu le sais M.
Elle acquiesce. Je me lève :
- Au cas où il te reviendrait des faits marquants...
- Je saurais où te trouver…
Je siffle le verre, jette deux trois billets et ma carte sur la table, soulagé qu’elle n’ait pas insisté pour m’attacher. Ce soir, j’aurais pas eu le courage de jouer les Médors.
Du coup je me traîne plus fauché que jamais, jusqu’à mon lit, où je finis par sombrer dans un sommeil de plomb, la tête pleine.


Je regarde H. ; il me semble que c’est la N°2 : le regard de biais, un peu fuyant, aux abois… La femme fragile.
Elle est nue.
- H. ?
- Quoi ?
- Tu me caches des choses…
- Jamais.
Dit-elle en ouvrant les cuisses d’un pôle à l’autre.
S’il y a une réponse à ça, je ne la connais pas. Si : tais-toi, profite.
H. ondule un peu, le croupion souple et le regard rieur. Nom de Dieu… c’est fou comme l’impudeur cache parfois l’essentiel…
- J. ?
- Quoi ?
- C’est toi, qui me caches quelque chose.
- Non… je…
- Tu sais ce que c’est l’avantage, avec moi ?
- Non.
Je m’approche ; elle me regarde, les yeux mi-clos :
- La douceur. Avec ce qu’il faut de faiblesse pour pimenter l’ensemble et faire bander l’homme qui veut jouer les forts.
- Vaniteuse ?
- Non, ça c’est celle qui m’imite.
- Comment tu le sais ?
- J’en sais rien, on me l’a dit !
Elle ouvre grand ses yeux de poupée. Je m’approche encore, insidieux. Faut que je vérifie les accusations de M. :
- T’es sûr que quelqu’un se fait passer pour toi ?
- Pourquoi je t’aurais engagé, sinon ?
- Qu’est-ce que tu faisais, la semaine dernière, quand on a pris les photos de ton… « imitatrice », en train de mordiller l’oreille du maire ?
Et hop ! Elle referme ses jambes sur mon cou – je me retrouve coincé !
Elle a des cuisses dont on rêve de se faire un collier, mais j’aime bien choisir le moment. Et là… Juste là… Au-dessous du nombril… Un suçon. Rien d’anormal, surtout sur une fille comme ça. Sauf que. C’est mon suçon. Ou plutôt : celui que j’ai fait la veille à la première H., dans un moment d’abandon de la plus pure onctuosité.
Je regarde H. Elle roucoule ; le rouge aux joues, toute porcelaine. Je lui agrippe les fesses ; elle bascule en arrière, en riant comme les enfants.
Je la mordille dans le creux de la cuisse. Ce goût… ce goût d’argile un peu sucré… et là, je comprends : H. 1 et 2 ne sont qu’une seule et même personne ! Merde… ça confirme ce que me disait M. !
- J. ?
- Quoi ?
- Tu l’as retrouvée ?
- De quoi ?
- Mon imitatrice…
- Heu… Je suis sur une piste, là…
- Tu comptes la trouver dans mon cul ?
Et elle ricane. Moi, ça me fige. Je titube vers la sortie, le pantalon sur les chevilles. Elle me rattrape en riant: "reste un peu".


Je fouille la poubelle et débusque une vieille bouteille de Jack Daniel’s. Une bouteille vide. Vraiment vide. Y’a plus rien à en tirer. Un peu comme ma vie. La bouteille, elle, a la consolation d’avoir un jour brillé de tous ses feux.
J’appelle mon indic :
- M., elle avait raison sur toute la ligne : H. est schizophrène.
- Toutes les actrices le sont.
- Dis-moi… M. ? Tu la vois tous les jours ?
- J’aurais tort de me priver : elle m’éclate le scrotum comme personne. En revanche, j’ai dû me l’éclater tout seul la semaine dernière… M. avait pris deux jours de relâche…
- Répète !
Il répète.
M. était donc en vadrouille quand « H. » s’humiliait en public. Le fameux baiser au maire, que la presse à scandales a repris sur tous les tons.
Je raccroche. Et là, je me dis : M. est une actrice ratée, qui vit dans l’ombre d’H. Elle a peut-être décidé de lui bousiller sa carrière ? Elle se fait parfois passer pour elle et fait n’importe quoi – en misant sur le fait qu’H. souffre de schizophrénie, et qu’on ne viendra jamais l’accuser !
Et là… La porte s’ouvre. C’est H. !
- H. !
Dis-je.
- J. ?
- Oui.
Répond-je. Et elle :
- Tu te fais pas chier pour les dialogues.
- Tu me payes à la ligne.
- Et je te paye comment ?
- En nature. Et plutôt deux fois qu’une !
- Je le savais !
- Quoi ?
- Une schizophrène lubrique se fait passer pour moi !
Encore ! Bon… elle commence à m’emmerder, je la bascule sur le bureau, je déchire sa robe… Merde ! Pas de suçon !
Et cette conne commence à brailler – que je veux la violer, que je suis vraiment le sale type, l’achevé pervers alcoolique, une vraie merde.
Deux flics entrent dans mon bureau et me passent les menottes. Je me sens cocu tout plein, refait pire qu’un bleu.
- Cette femme m’a engagé pour la protéger. Je l’ai juste prise pour une autre.
Dis-je.
Les deux flics se retournent et questionnent la dame du regard.
H. fond en larmes. Et, entre deux sanglots : « c’est la première fois que je vois cet homme ! »

A suivre…

Publié dans Co Ecrits

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Commenter cet article
M
Il avait quelle forme le suçon? Un jour on m'en a fait un qui ressemblait à un bateau...
Répondre
L
Je vous ai déjà dit que c'était génial ? Ah bon
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R
Elle me rappelle quelqu'un cette H.!! Mais question écriture de ce polar, ca du tout bon. Je sais d'ou de viennent ces idées, oh oui... la suite vite..R.T
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L
<br /> Moi je vois pas de qui tu parles!<br /> <br /> <br />
J
Stipe trouve pas les mots ??!! Huhu... Champagne !!!!
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S
je trouve pas les mots.
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