Jeux à la con : 3

Publié le par Lessaim

La pluie battait les carreaux, qui n’en avaient rien à battre. Ploc, ploc, ploc.
Le thérapeute regardait son groupe.
Ils étaient tous en rond, chacun regardait ses pompes – un voyage, fut-il de mille lieux, commence sous votre pied, a dit Lao Tseu ; et le voyage intérieur n’a pas raison de déroger.
- Qui commence ?
Quelqu’un leva la main. Le thérapeute lui fit un signe de tête.
- Je m’appelle Gaston. Je suis boulanger.
« Bonjour Gaston ! », l’encouragea d’une seule voix le groupe.
- Je m’appelle Gaston, et… je viens de Senlis.
Silence respectueux et attentif. Gaston hésitait. Il balbutia, puis se lança :
- Ça… ça fait deux semaines que je n’ai pas sodomisé de poulet.
Un murmure impressionné parcouru le groupe, comme un frisson sur l’échine de ma femme quand je lui taquine l’infection ovarienne.
Sans doute poussé par l’émotion, une femme se leva.
- Je m’appelle Gladys. Et… ça fait quatre jours que je ne me suis pas introduit de hamster… mais…
- Nous vous écoutons Gladys.
- C’est parce que ça me gratte de l’intérieur.
Une main compatissante se posa sur son épaule.
- T’as essayé de le saucissonner avec du fil à rosbif ?
La suggestion venait de Gustave, un huissier d’une quarantaine d’année, qui s’accaparait les caniches à mémère du côté de Saint-Florentin. Le thérapeute intervint :
- Nous apprécions les commentaires et tout le monde doit parler, mais je vous rappelle que nous ne sommes pas là pour échanger des conseils techniques…
Gustave baissa la tête, honteux. Gladys se trémoussait.
Gabriel, un curé de Sarrebourg, leva les yeux au ciel :
- J’aime pas les hamsters, chaque fois, je dois les sortir à la cuiller…
Géraldine, une barmaid volontiers taquine avec la soutane, sourit en coin :
- Passe-les au mixeur et tasse-les dans une bouteille.
Le thérapeute sentait le groupe lui échapper. Il intervint.
- S’il vous plaît. J’aimerais entendre Gilbert.
Les regards convergèrent vers un monsieur voûté, qui transpirait à la périphérie du groupe. Tout le monde connaissait son accoutumance aux rongeurs, et le silence revient.
- Gilbert ?
Gilbert fit « non » de la tête.
« Allez, Gilbert » le poussa Gabriel, un ostréiculteur qui ne pouvait jouir que dans les Fine de Claire.
(Gilbert est un chanteur connu, dont on ne pourra dire ici le nom pour d’évidentes raisons de respect de la vie privée. Déjà que de nombreuses rumeurs l’accusent d’avoir utilisé un vibromasseur dans son bain…)
Gilbert fondit en larme :
- J’ai explosé mon canari hier au soir !
Gustave cru bon de le consoler :
- Bah.. au moins t’as épargné Gaetan.
Gaetan était le prénom du hamster de Gilbert. A l’évocation de son compagnon, Gilbert se cacha le visage dans les mains :
- JE L’AI EXPLOSE CE MATIN SUR UN SET DE TABLE ! JE SUIS UNE ORDURE !
George craqua à son tour :
- Moi aussi ! Je suis un salaud ! « Veau, vache, cochon », exactement comme c’est dit dans les fables de La Fontaine..
- C’est la Fontaine qui nous a mit dedans !
L’imprécation venait de Geoffroy. Qui n’allait pas s’arrêter en si bon chemin de croix :
- Ce vieux con de fabuliste, avec ses animaux partout, toute notre enfance ! Forcément !
Gabriel profite de cette diversion pour s’en prendre à Géraldine :
- Un hamster dans une bouteille, c’est con comme la lune, ton idée !
Gilbert pleurait maintenant en silence, les épaules secouées par les sanglots.
- Ooooh… Gaetan… Gaetan…
- Je crois que le groupe s’égare. Nous devrions peut-être…
- JE DOIS PARLER !
Tout le monde se retourna vers Gilles.
Gilles regarda Ghislaine, sa voisine, qui l’encouragea du regard, puis se lança :
- Je suis de Strasbourg, et… Voilà, je… hier, j’ai perdu ma brouette, j’étais malheureux, et… J’ai… j’ai sodomisé un député européen…
Gilbert lui-même arrêta de pleurer.
Le silence se fit. Gaël, qui n’avait pas pris la parole, déglutit :
- Mais… tu veux dire… un vrai, en liberté ?
- Oui… il vient de l’UMP…
- Mon Dieu !
- Je l’ai commencé avec un rouleau à pâtisserie, et…
Gilles s’effondra.
Le thérapeute lui-même mit un peu de temps à digérer l’info.
- Eh, bien… Gilles… je crois que.. je crois que le groupe te remercie d’avoir partagé cette expérience avec nous…
- Il ment !
Tout le monde se tourna vers Gustave :
- Nous sommes en 1950. On ne pourra pas se faire de vrais députés avant quelques années… Alors qu’il se le fasse au poivrier ou avec n’importe quoi d’autre – aucune importance: c’est faux, tout simplement.
- Mais… enfin, Gustave… nous sommes en 2009.
- Qui me le prouve ?
- Mais… enfin, ouvre ta fenêtre, connard !
- Et après ? C’est pas écrit dans les nuages !
Le thérapeute se voulu ferme :
- C’est la conscience du temps qui nous distingue des bêtes, Gustave…
- Mouais… mais pas des députés…
- Gustave ?
- Bon… ok, on est peut-être en 2009, finalement.
- Tu vas virer ce pantalon ridicule, alors ? Hein, on est bien d’accord ? Le velours côtelé, c’est vraiment pas possible.
Gustave acquiesça.
La séance s’était, en somme, déroulée normalement.
Un mystère demeure : qui est donc Gilbert, si nous sommes en 2009 ? Damned !

Publié dans Défis

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L
Je dis J.
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J
Bon, alors... je vote J., mais c'est uniquement parce que Hime l'a dit, et que je suis un fayot de première bourre.
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R
J, sans la moindre hésitation : il a eu une histoire trouble avec un troupeau de hamsters, qu'il n'a jamais digérée.
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M
Pas mieux, je me lance, après 2 jours de réflexion, je dis Jérome
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H
J.!!!
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