NécroloJ (Jérôme)
Ci-gît J.
Il cultivait avec délectation et pour notre plus grand plaisir la noirceur de son pessimisme légendaire. Nul ne trouvait grâce à ses yeux, par lesquels le monde apparaissait sale, poisseux et sans espoir de rédemption. S’agissant d’amour, il parlait de bite plutôt que de sentiment et préférait les « floc floc » du sexe aux « hmmm » des baisers.
Pourtant, ses personnages portaient des noms de fleurs ou souffraient de maladies qui ne font même pas mal. Et n’est-ce pas ce virulent pourfendeur du romantisme niaiseux qui octroyait à toute femme des droits de fée et disait d’elle qu’elle descend du songe et reste une créature de rêve ? Alors, qui était-il au fond ? Je veux dire avant d’être au fond de ce trou ? Que cachait-il derrière le sarcasme et la violence ? Y cachait-il seulement quelque chose ?
C’était peut-être justement pour éviter d’être lu entre les lignes qu’il s’appliquait à nous offrir une écriture si dense.
Il se plaisait en tout cas à semer la confusion dans les esprits quant à sa personnalité réelle et profonde et poussait le vice jusqu’à prêter à l’un de ses plus fameux « héros » l’initiale de son propre blaze, afin que le trouble soit total. Avec un plaisir qu’il ne cherchait aucunement à dissimuler et qu’il agrémentait même d’une bonne dose d’humour (noir bien entendu), il se vautrait dans le sordide et le glauque et mettait une telle énergie à donner à son double fictionnel toutes les tares d’une humanité désespérante - veulerie, hypocrisie, mensonge, lâcheté, pour ne parler que de ses tares « nobles » et passer courtoisement sous silence, compte tenu des circonstances, ses insatiables appétits sexuels et un doigt de perversité dans sa façon de les assouvir - qu’il en devenait inévitablement attachant, un peu comme une femme battue s’attache à son radiateur.
Il est mort comme il a vécu, avec deux grammes, alors qu’il testait les effets du napalm artisanal sur un caniche nain. L’animal, qui s’est étrangement pris d’affection pour lui, s’est accroché à sa jambe avec cet enthousiasme que l’on devine quand, saisi par l’horreur de la scène, Jérôme n’a pas supporté l’idée d’être surpris dans une situation aussi embarrassante et a préféré dignement s’arroser de napalm.
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Non, je déconne, c’est gratos et on voit très bien l’agonie du clebs.
Par son inhumation, Jérôme va être à son tour perdu sous Paris, son conte est bon.